Les bas morceaux font les yeux doux à la haute gastronomie

Ils ont toujours fait le bonheur de la cuisine traditionnelle et reviennent en force aujourd’hui. Dans la haute gastronomie, les bas morceaux pointent le bout de leur nez mais peinent encore à trouver une place à la hauteur de leur potentiel gustatif.
Christian Le Lann, que l’on surnomme parfois ministre de la viande, l’assure : « On assiste aujourd’hui à un retour de la cuisine des bas morceaux. Bœuf mode, bourguignon, carbonade… Tous ces plats mijotés sont une invitation à la convivialité, les gens les redécouvrent avec plaisir », explique le président d’honneur de la chambre de métiers et de l’artisanat de Paris. L »onctuosité » du paleron, l’ « excellence gustative » de la basse-côte et du collier, la « tendreté » de la gîte. Ces qualificatifs employés par Christian Le Lann ne laissent pas indifférente Delphine Roux, cheffe de Chez Madie, institution de la cuisine provençale à Marseille : « Ces morceaux demandent un long temps de cuisson mais ont le double avantage d’être peu chers et les recettes, inratables. Tomates, huile d’olive, ail, aubergines et bas morceaux : c’est la valeur sûre de la cuisine provençale », insiste cette spécialiste de la daube de bœuf. Pour Delphine Roux, des parties telles que la gîte (au-dessus de l’articulation des pattes du bœuf) sont sous-estimées par le monde de la gastronomie.
Ce n’est pas Yves-Marie Le Bourdonnec qui la contredira. « Les chefs pourraient valoriser ces morceaux », assure le boucher, qui pointe aussi une certaine méconnaissance de la carcasse du bœuf chez les cuisiniers. Pour lui, certains « bas morceaux » n’en sont plus vraiment. Comme la queue de bœuf ou le paleron, tellement à la mode aujourd’hui qu’ils deviennent aussi difficiles à trouver que les morceaux dits « nobles » de la bête. Bien sûr, les morceaux les plus gélatineux impliquent une cuisson très longue, qui nécessite beaucoup de main d’œuvre, admet-il. « Mais aujourd’hui, la cuisson basse température permet de travailler ces produits avec subtilité », tranche-t-il. « Cuisiner un collier ou du plat-de-côte, c’est très long. Et je ne suis pas sûr que la clientèle des restaurants gastronomiques soit demandeuse de ces morceaux », tempère Hugo Desnoyer. « J’ai longtemps travaillé avec Michel Roth, il me prenait ces morceaux pour le personnel du Ritz », se souvient le boucher, habitué à travailler avec les grands chefs français. Sur une carcasse, plat-de-côte, jarrets et collier représentent environ 60 kilos. En général, ils finissent donc en tartare ou en steack haché, dans un burger.
Une minorité de chefs n’hésitent pas à mettre les bas morceaux à la carte. Hugo Desnoyers se souvient de Pierre Gagnaire, en pleine crise de la vache folle, lui demandant du paleron. Collier en sauté, épaule d’agneau confite, les bas morceaux sont toujours à l’honneur chez le chef trois étoiles. Guillaume Gomez (Palais de l’Élysée) et Thierry Marx (Mandarin Oriental Paris) les affectionnent, tout comme Manuel Martinez (Le Relais Louis XIII) et sa fameuse blanquette de veau revisitée. S’il est encore impossible d’en parler comme une tendance dans la haute gastronomie, Yves-Marie Le Bourdonnec prêche pour la paroisse des bas morceaux et tente de convaincre les cuisiniers de se les réapproprier. Le nouveau héros de la viande travaille en ce moment avec Justin Schmitt, chef de la Brasserie d’Aumont (Hôtel de Crillon). Lui et son équipe se sont formés auprès du boucher parisien, et reçoivent une demi-carcasse de salers-angus par semaine, en provenance de l’élevage de Samuel Fouillard (Aisne).
« On a travaillé longtemps sur ce projet avec le chef Christopher Hache. Cela permet aux équipes d’apprendre la maturation mais aussi à travailler le bœuf dans son ensemble plutôt que de recevoir comme tout le monde les pièces au détail », explique Justin Schmitt. « J’ai fait un pâté en croûte récemment. On a aussi proposé un consommé de bœuf. On essaie de travailler les morceaux un peu oubliés afin d’optimiser au maximum la carcasse », ajoute-t-il. La démarche du jeune chef du Crillon fera peut-être des émules. En attendant l’hypothétique retour en grâce des bas morceaux dans la haute gastronomie, Justin Schmitt se concentre avant tout sur sa cuisine. » J’ai fait plusieurs essais avec du rond de gîte, un morceau très tendre qui manque de goût. J’essaie de lui en donner en le fumant, en le faisant maturer avec du foin. » Bientôt à la carte ?
[divider]Auteurs[/divider]Louis Jeudi / ©ALF Photo (Fotolia)
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