Dans une pièce ressemblant à une salle de chimie, vingt étudiants se passent autant de bouteilles de vin, dont ils doivent estimer le prix: ils sont les sujets d'une expérience menée par un laboratoire dijonnais dédié au commerce des vins et spiritueux.
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"Ces vins ont vieilli dans des conditions qui n'étaient pas parfaitement contrôlées. Certains seront très bons, d'autre moins, mais on ne pourra le savoir qu'après avoir ouvert la bouteille", explique dans un sourire le chercheur grec Nikolaos Georgantzis, maître des lieux. Ce professeur d'économie expérimentale, lunettes rondes et cheveux longs poivre et sel, est arrivé fin 2017 à la School of wine and spirits business, une entité de l'école de commerce de Dijon dédiée au marché des vins et spiritueux, avec pour mission d'y créer un laboratoire d'économie comportementale. "Ce laboratoire est le premier du genre à être entièrement dédié aux vins et spiritueux", affirme le scientifique, dont l'objectif est de décrypter le comportement des acheteurs de vin, mais aussi des vendeurs, sommeliers ou vignerons.
Les participants du jour déchiffrent les étiquettes, examinent les flacons, auxquels chacun fixe un prix dans un tableau. L'expérience comprend aussi une loterie qui a pour but d'évaluer l'attitude des sujets face au risque. L'assistant du chercheur grec, Jean-Christian Tisserand est professeur de statistiques et d'économie. Il rappelle que l'enjeu est réel: cinq bouteilles, choisies au hasard, seront remises aux plus offrants et leur prix sera décompté d'une somme de 18 euros remise à la fin à chaque participant. La loterie rapporte elle aussi des gains véritables pouvant atteindre, au maximum, la somme de 100 euros par personne. L'introduction d'argent est une façon de "saisir le comportement réel" des sujets, explique M. Georgantzis, précisant que le coût est financé par l'établissement.
Le sexe du vin
"Quand on nous dit 'vous avez cette somme d'argent à investir', on est beaucoup plus réfléchi, on observe plus, on est plus rigoureux", confirme l'un des participants, Félix Aymé, 21 ans, qui reconnaît pourtant ne pas être un grand consommateur de vin. Au-delà de cette étude sur le comportement des consommateurs face à des vins "risqués", la petite équipe de cinq enseignants-chercheurs a lancé plusieurs pistes de recherches. Quel est l'effet d'une opinion d'expert sur la manière dont on apprécie le vin? Le fait d'être un connaisseur nous permet-il d'apprécier davantage ou nous rend-il plus difficile à satisfaire? Certains de leurs travaux portent encore sur le sexe du vin: les blancs seraient ainsi d'avantage perçus comme des breuvages féminins tandis que les rouges seraient plus masculins. "Nous avons donné à nos sujets une liste de noms, masculins et féminins, en leur demandant de choisir parmi eux un nom commercial pour le vin. Nous avons remarqué que l'acidité est féminine tandis que les tanins sont masculins", précise Nikolaos Georgantzis.
À terme, les résultats des recherches ont vocation à être publiés dans des revues scientifiques, mais c'est un travail qui prendra plusieurs années, prévient le chercheur. En attendant, le laboratoire pourra aussi réaliser des études pour le compte de professionnels du vin. L'expérience du jour touche à sa fin. Nikolaos Georgantzis et son assistant remettent leurs gains aux participants: de l'argent et, pour certains, une bouteille de vin. Lydwine Astruc de Servigny, qui fait partie de ceux-là, vient de vérifier sur internet le prix du vin de Loire qu'elle emporte chez elle. L'étudiante est ravie: "J'avais misé 18 euros dessus, cette bouteille a une valeur de 21 euros!"
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Photographie → © AFP
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Photographie → Atabula avec AFP
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